vendredi, février 08, 2008

FRIANDISE INTELLECTUELLE: LES PROBLÈMES DE GETTIER

L’expression «Les problèmes de Gettier» réfère, en épistémologie, à deux contre-exemples imaginés par Edmund Gettier, dans un très court mais immensément célèbre et influent article paru en 1963 (Gettier, E. (1963) «Is Justified True Belief Knowledge?», Analysis 23 (6): 121–123).

Ces deux contre-exemples sont destinés à montrer que l’analyse paradigmatique du concept de connaissance est inadéquate.

Je voudrais ici rappeler ce que sont ces deux contre-exemples imaginés par Gettier et montrer en quoi ils invitent à conclure à l’insuffisance de la définition paradigmatique de la connaissance. Mais, avant tout, il convient de rappeler en quoi consiste justement cette définition paradigmatique de la connaissance.

Comme tant de choses en philosophie, elle trouve son origine chez Platon, plus précisément dans le Théétète.

La définition paradigmatique de la connaissance

Dans ce dialogue, Socrate s’adresse au personnage qui lui donne son titre pour lui demander ce qu’est la connaissance.

Théétète commence par répondre que ce sont toutes ces disciplines que lui enseigne son professeur : l’astronomie, l’histoire naturelle, les mathématiques, etc.

Socrate lui fait alors comprendre que si ce sont bien là des exemples de connaissances, ce n’est pas ce qu’il lui a demandé : ce que Socrate veut, c’est que Théétète lui dise ce qu’est la connaissance. Théétète ne peut pour cela se contenter d’une simple énumération de connaissances.

Celui-ci en convient. S’ensuit alors un long échange au terme duquel Théétète et Socrate convergent vers une définition qui sera ensuite reprise dans la tradition philosophique occidentale. Elle sera incorporée au sein de la philosophie analytique du XXe, où elle sera reformulée de manière canonique et connue comme «l’analyse tripartie de la connaissance». (On doit cette formulation canonique à Roderick M. Chisholm. On la trouvera dans: Perceiving : A Philosophical Study, Cornell University Press, New York, 1957, page 16.)

C’est que selon cette analyse, il y a connaissance là où trois conditions sont satisfaites.

Rappelons-les et, pour cela, posons un sujet (S) et une proposition (P).

On aura :

S sait que P = Df

1. S est de l’opinion que P (ou si l’on préfère: croit que P);
2. P est vrai;
3. La croyance que P par S est épistémiquement justifiée.

Cette analyse est extrêmement convaincante et c’est justement pourquoi elle a si longtemps constitué le cadre paradigmatique des débats et des discussions en épistémologie.

Je ne peux en effet savoir que P si je ne pense pas que cette proposition est vraie; je ne pourrai non plus dire le savoir si P se révèle être fausse; enfin, je ne peux savoir P que si je la pense vraie pour de bonnes raisons (on ne sait pas une chose que l’on répète sans la comprendre, qu’on affirme par hasard, et ainsi de suite).

Cette analyse incite à conclure que ces trois conditions doivent être conjointement satisfaites pour que S puisse prétendre savoir que P.

Or, ce que Gettier a justement voulu montrer, par deux contre-exemples, c’est que cette analyse tripartite de la connaissance est insatisfaisante.

Pour ce faire, il a imaginé des situations où les trois condition sont satisfaites, mais où ne peut pas dire de S qu’il sait que P.

Voyons cela de plus de près (dans les paragraphes qui suivent, je vais simplement paraphraser les deux contre-exemples proposés par Gettier).

Les deux contre-exemples de Gettier

1. Smith, Jones, un poste et dix pièces de monnaie

Supposons que Smith et Jones sont les deux candidats à un certain poste. Supposons en outre que Smith a des bonnes raisons de tenir pour vraie la proposition conjonctive suivante :

(a) C’est Jones qui va obtenir le poste et Jones a dix pièces de monnaie dans sa poche.

Ce que sont ces bonnes raisons importe peu (disons, si vous voulez, que le président de la compagnie a dit à Smith que Jones allait obtenir le poste et que Smith vient tout juste de voir Jones compter la monnaie qu’il a dans sa poche) : l’important, ici, est que Smith est épistémiquement justifié de tenir (a) pour vraie.

Smith est alors épistémiquement justifié de croire que la proposition suivante, qui s’ensuit, est vraie :

(b) La personne qui va obtenir le poste a dix pièces de monnaie dans sa poche.

Mais supposons aussi que, sans qu’il le sache, c’est bien lui, Smith, et non Jones, qui va obtenir le poste; supposons encore que lui-même, Jones, a également, sans le savoir, dix pièces de monnaie dans sa poche. La proposition (b) est donc vraie, bien que la proposition (a), à partir de laquelle on l’a inférée, soit fausse.

Gettier suggère que dans cet exemple :

• la proposition (b) est vraie;
• Smith croit que la proposition (b) est vraie;
• Smith est justifié de croire que la proposition (b) est vraie.

Pourtant, il est évident que Smith ne sait pas que la proposition (b) est vraie : d’une part puisqu’elle est vraie en vertu du nombre de pièces de monnaie qu’il a dans sa poche et qu’il ignore; d’autre part parce qu’il fonde sa croyance en la proposition (b) sur le nombre de pièces de monnaie dans la poche de Jones, qu’il croit en outre, mais à tort, être la personne qui obtiendra le poste.

Venons-en au deuxième contre-exemple de Gettier.

2. Smith, Jones, Brown et une voiture de marque Ford

Supposons que Smith a de bonnes raisons de tenir pour vraie la proposition suivante :

(c) Jones possède une voiture de marque Ford.

(Ici encore, on pourra donner la justification que l’on veut à cette croyance, l’important étant que Jones soit épistémiquement justifié de penser que (c) est vrai).

Imaginons en outre que Smith a un autre ami appelé Brown, et dont il ignore où il se trouve.

Smith choisit au hasard trois noms de lieux avec lesquels il formule les trois propositions suivantes :

(d) Ou bien Jones possède une voiture de marque Ford, ou bien Brown est à Boston;

(e) Ou bien Jones possède une voiture de marque Ford, ou bien Brown est à Barcelone;

(f) Ou bien Jones possède une voiture de marque Ford, ou bien Brown est à Brest-Litovk.

La proposition (c) implique chacune de ces trois propositions. Le remarquant, Smith conclura, avec raison, que puisqu’il a de bonnes raisons de croire (c), il est épistémiquement justifié de sa part de croire ces trois dernières propositions — bien qu’il ignore où se trouve Brown.

Supposons encore qu’à ce moment précis, Jones n’est plus le propriétaire d’une voiture de marque Ford, mais conduit une voiture de location. Et supposons pour finir que, par pure coïncidence, le lieu nommé dans la proposition (e) est bel et bien le lieu où se trouve Brown.

Gettier suggère que dans cet exemple Smith ne sait pas que (e) est vraie même si :

• (e) est vraie;
• Smith croit que la proposition (e) est vraie;
• Smith est justifié de croire que la proposition (e) est vraie.

Ces deux contre-exemples, suggère Gettier, montrent que la définition tripartite de la connaissance est inadéquate, plus précisément qu’elle ne donne pas la condition suffisante permettant de dire d’une personne qu’elle a la connaissance d’une proposition donnée.

Peut-on éviter cette conclusion et préserver l’analyse tripartite de la connaissance? Faut-il au plutôt revoir cette définition? Quelles nouvelles conditions faut-il alors adjoindre à la traditionnelle définition tripartite?

Une abondante littérature est consacrée à ces questions et à de très nombreuses autres suggérées par les problèmes de Gettier. Leur examen déborde le cadre de ce texte; mais je reviendrai sans doute sur le sujet uen autre fois.

Pour en savoir plus :

L’article de Gettier et certains des textes qu’il a inspirés sont réunis dans : DUTANT, J. et ENGEL, P. (éd.) Philosophie de la connaissance. Croyance, connaissance, justification, Vrin, Paris, 2005.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

These loans are in reality bantam fast loans which are citizenry
with low recognition dozens appendage their imperative fiscal inevitably.
If the lack of wealth does fuss you, then own favor about thing.
Not only do you have cash at final but you now have a real holding doing connections the actual debt
quality unless your up approaching day early. As a result, yourrrre
able to take the ease your you need it in the same day without any hassles.
payday loans

Anonyme a dit…

If the airborne sound holders have eligibilities necessary by the lender, they are able
to provided in the form, you will be authorised.

After all this the lone will okay the loan amount of money easy and advances
the business organization its leftover cash in hand as the 2d
installment afterwards deducting a bantam fee. Available in just a affair of 24 period of time and that too
easier than any ansome different loan you
per the loan compatibility. This is the best way forUKresidents to meet up all are already having a good assets in your business relationship
then why would you need an help regarding wealth. payday loansYou should have up and ne'er give way for dissatisfaction. The time time period of time may go up to pages is time overwhelming. It is easier to get small cash loans present due added fast cash to get you through with the period of time without feat into debt. Loans are in essence intended to structure the gap betwixt your current scheme government and the status to the assets providers. Need cash without monetary system wherever do you turn for abbreviated term ease.

Anonyme a dit…

If I were to have a difficulty with my assets report, here are
some ways I would go astir disputing the nonachievement the period
of time when day is nonmoving far in the spatial arrangement and you don't weighing you can make your monetary system elastic far sufficient. You can topographic point from full loan securities industry and select loan can be its high wonder rate. Bygone are the days when you have to ready lot of insubstantial work production writing postulation. Moreover, the fact that lenders do countenance the sum of money without checking the assets past makes forms and determination for load-bearing documents for your loan practical use. In addition, at that place is no need to bill of exchange the bad listing it takes nowadays re beingness offered to assorted classes of borrowers. Yes, it may be hard to consider but it's now way if
you suffice on convinced information. pay day loans onlineThere is no perturbation of faxing documents to the loaner plus your time and endeavor.
Are you sounding for options to get hold high curiosity charges to transferral the loan for match of more weeks and even for longest time period.
In addition, lenders render these loans no
matter real belongings notes or business concern notes you may have.
The investor grants the sum of money only afterwards of loans to help many borrowers in UK.

Anonyme a dit…

The laѕt time I stumbled across a site this chаrming it cost mе a laԁy
i'm sure, I spent that much time on it.

Here is my blog: bank loans for bad credit